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  • Johana Delesalle

Les comportements « agressifs » chez les jeunes enfants.

Dernière mise à jour : 5 juin 2023


Morsure, tirage de cheveux et coup… que se passe-t-il dans la tête de l’enfant ?


Un enfant n’est jamais méchant. Peu importe le comportement qu’il a, peu importe le contexte, il ne cherche jamais à faire mal.

A. Le cerveau archaïque.


Le cerveau archaïque assure les fonctions vitales (respirer, régulation de la température corporelle, la fréquence cardiaque etc.), les besoins naturels (reproduction, alimentation, etc.) et enfin, il assure aussi les comportements primitifs assurant l’instinct de survie (à savoir, l’agressivité, la fuite, la sidération, etc.). Cette partie du cerveau est optimale dès la naissance.


B. Le cortex pré-frontal.

Le cortex pré-frontal est la partie du cerveau qui permet de réguler les réactions émotionnelles. Elle nous permet de nous raisonner et de nous rendre compte que certaines de nos réactions sont démesurées. Elle nous permet donc de nous calmer, de prendre de la distance avec une situation et une émotion et ainsi de diminuer notre colère ou notre peur. Cette partie du cerveau nous permet également de ressentir de l’empathie pour autrui.

Le cortex pré-frontal est immature à la naissance. Il connait une première croissance neuronale entre 5-7 ans et fini sa maturation vers 25 ans.


C. Comment ça fonctionne chez les jeunes enfants ?

Dans une situation qui génère de l’émotion chez l’enfant (joie, colère, peur, tristesse, etc.), son cerveau va percevoir une forme de danger et d’insécurité. De ce fait, le cerveau archaïque, pleinement mature, va s’activer. L’enfant va être prit de pulsion : soit agressive, soit de fuite ou de sidération. Le cortex pré-frontal qui est censé venir calmer et réguler les émotions et le sentiment de danger, ne va pas s’activer chez les jeunes enfants : il est immature. C’est pourquoi, lorsque l’émotion est intense, le jeune enfant peut avoir recours à des comportements dits « agressifs » : il va mordre, taper, crier, tirer les cheveux, etc.


Pourquoi les enfants ont recourt à l’agressivité ?


Les comportements agressifs sont les plus fréquents chez les enfants qui ne parlent pas : ce qu’ils ne peuvent pas mettre en mot, ils le mettent en geste.

« Si je mords, c’est pour te dire » (Marc FLORENT, psychologue).

A. La décharge émotionnelle

Les comportements agressifs peuvent être utilisés comme moyen de décharge émotionnelle. Comme expliqué précédemment, lorsque l’émotion envahit l’enfant, il n’a pas les capacités cérébrales pour la réguler. A l’intérieur de lui, il va ressentir une montée d’émotion, comme une sorte de tempête. Et puisque c’est si fort, son cerveau va percevoir un danger et donc activer son cerveau archaïque (pour assurer l’instinct de survie) ce qui va déclencher le comportement agressif.

En collectivité il y a énormément de sollicitations (les bruits, les enfants qui piquent les jouets, les adultes qui stimulent, les odeurs, etc.) et c’est difficile à gérer pour les touts petits. Ce trop plein de stimulation peut générer beaucoup de stress et donc provoquer des comportements agressifs.


B. Je ne sais pas entrer en relation, tu m’apprends ?

Les jeunes enfants sont en plein apprentissage social. Vous l’avez constaté, ils n’ont pas forcément les « codes sociaux » qui sont attendus. Entrer en relation avec l’autre est aussi un apprentissage : savoir attirer son attention, entrer en interaction, arrêter l’interaction, et parfois aussi la refuser.

Qui dit apprentissage, dit se tromper. J’essaye, si ca marche, je continu, sinon je développe une autre stratégie. Il s’avère que certains enfants entrent en relation de façon pas très adaptée socialement : ils vous foncent dessus pour vous faire un câlin, ils mordent ou tapent pour initier une interaction, etc.

Pour apprendre tout ça il se sert de l’observation : comment les autres enfants font, comment les adultes font, etc. Et il se sert aussi de ses expériences : quand j’ai eu tel comportement, j’ai obtenu telle réponse.

Mais il n’apprend pas les codes sociaux seul. L’enfant n’est pas en mesure de réfléchir à ce qui se fait ou ne se fait pas, il fait et s’il obtient une réaction similaire à celle qu’il souhaitait (par ex avoir de l’attention, entrer en interaction, etc.) il enregistrera son comportement dans son éventail de possibilité.


Donc oui, quand un camarade ne me regarde pas, que je veux entrer en relation avec lui et que dans mon éventail de possibilité la morsure en fait partie, je peux l’utiliser.


C. L’expérimentation

Certains comportements agressifs peuvent aussi être utilisés afin que l’enfant expérimente les réactions d’autrui (souvent chez les touts petits). Il expérimente le fait que, quand il mord, il y a une réponse : l’autre enfant crie et/ou pleure. Pour autant, il ne comprend pas forcément que ça signifie qu’il a fait mal à l’autre.

La réaction des adultes.

"Il ne faut pas mordre, ça fait mal. T'es méchant !"

A. Ne te fâche pas, comprends moi…

Le problème n’étant pas vraiment le comportement agressif de l’enfant mais la réaction de l’adulte à celui-ci. En règle générale ce type de comportements est difficile à recevoir pour l’adulte car il perçoit de la violence dans celui-ci. Parfois, l’adulte attribue même à l’enfant une intention de faire mal à l’autre. De ce fait, cela peut déclencher certaines émotions et réactions chez l’adulte : il gronde l’enfant en lui disant que « c’est pas bien », qu’il est « méchant », il le puni pour que l’enfant « réfléchisse » à son comportement, il le mord à son tour pour que l’enfant « comprenne ce que ça fait ». Or, avec toutes ces réponses de la part de l’adulte, l’enfant n’a toujours pas apprit comment il doit faire, et même plus : il s’est senti incompris, humilié, triste et parfois en colère. Ces réponses viennent seulement diminuer l'estime de soi de l'enfant, ce qui peut avoir de grandes conséquences en grandissant…


Dans ce type de situation, l’adulte lui même peut être en proie d’émotion : selon son histoire et le rapport qu’il a avec l’agressivité, il peut avoir de vives émotions et donc… de vives réactions. En fait quand vous êtes victime d’un comportement agressif de la part d’un enfant ou lorsque vous assistez à une scène ou un enfant est agressif avec un antre, cela vient activer différentes émotions chez vous. En outre, votre cerveau archaïque s’active. Cependant, vous êtes un adulte ce qui signifie que vous avez la maturité cérébrale nécessaire pour réguler vos émotions. En tant que professionnel.le.s vous devez encore plus prendre de la distance sur celles-ci. Autrement dit, dans ce type de situation c’est votre cortex pré-frontal qui doit parler : votre raison ; et non pas votre cerveau archaïque : votre émotion.


Alors avant d’adopter vous-même un comportement agressif (crier, punir, etc.) en réponse au comportement de l'enfant, rappelez-vous : il n’a pas cherché à faire mal. Par conséquent, demandez-vous : quel besoin a-t-il cherché à exprimer au travers de ce comportement ?


B. L’empathie

Ce qu’on vous demande donc de faire c’est d’utiliser l’empathie mais dans les deux positions. Souvent vous savez bien faire preuve d’empathie pour l’enfant mordu puisqu’il est la victime du comportement agressif. Cependant il est tout aussi important de faire preuve d’empathie avec l’enfant qui a mordu : qu’a t-il essayé d’exprimer ? Peut-être était-il très triste/très en colère/très content ? Peut être a-t-il essayé d’entrer en relation avec l’autre ? Ou a-t-il cherché à expérimenter la réaction de l’autre ?


En utilisant l’empathie, votre réaction sera plus adaptée et utile à l’apprentissage de l’enfant. Votre rôle étant de l’accompagner dans son développement et ses apprentissages primaires (sociaux, émotionnels, alimentaire, etc.). Lorsque l’adulte utilise l’empathie, cela permet à l’enfant de s’apaiser et surtout de développer son cerveau supérieur. Oui, vous avez un rôle à jouer dans le développement cérébral du tout petit ! En utilisant l’empathie et la bienveillance à son égard lors de situations comme celle-ci, vous lui permettrez en grandissant de savoir prendre du recul, d’analyser et d’avoir dans son éventail de possibilités, d’autres solutions que les comportements agressifs.


C. Mais en pratique, comment on fait ?

Maintenant vous vous demandez probablement comment faire. En effet, vous avez l'habitude de prendre en charge l'enfant mordu, mais peut être moins d'accompagner l'enfant qui a mordu. D'abord dès qu'on assiste à la scène on essaye de se dire la phrase suivante : "l'enfant qui a mordu n'a pas voulu faire de mal". Ensuite, on prend en charge l'enfant mordu, on lui fait des soins si besoin, on le console et on verbalise : "Tu as été mordu, tu as eu mal. Je suis là pour toi.". Puis on accompagne l'enfant qui a mordu.


a. Accompagner l'enfant qui a mordu en 3 étapes


1. Ce que je vois

Vous pouvez décrire la scène : « je vois que tu as mordu/tapé Léa, elle pleure »


2. Ce que je crois

Proposez à l’enfant une interprétation/mise en mot de la situation et de ses propres émotions : « peut être que tu étais en colère/que tu voulais jouer avec elle »


3. Ce que je propose

Proposez à l’enfant une alternative à son comportement : « Je te propose qu’on se fasse plutôt un câlin/que tu lui fasses une caresse/que tu lui montres ton jouet/que tu lui demandes de jouer (dans le cas ou l’enfant parle)»


b. Le bourreau et la victime : quand l’enfant qui est "agressif" est vu comme le méchant.

Souvent les adultes ont tendance à seulement expliquer ce qui se passe pour l’enfant victime du comportement « Tu as mordu Léa, c’est pas bien, ça fait mal de mordre, regarde elle pleure ». Porter l’attention de l’enfant sur les sentiments de l’autre ca peut être bien, mais ce n’est pas suffisant.


Premièrement dire à un enfant qui mord ou qui tape « ca fait mal » n’a pas de sens pour lui. Quand l’enfant mord ou tape ça ne lui fait pas mal, ca peut même lui faire du bien car il décharge sa pulsion. Il est plus juste de dire « Quand tu as mordu Léa, elle a eu mal, regardes les larmes sur sa joue ». De plus, si vous ne portez aucune attention sur ce que l’enfant qui a mordu ressent, il ne se sentira pas compris et n’apprendra pas à verbaliser ses émotions.

C’est en mettant en mot ce que l’enfant ressent, qu’il s’apaise et prend confiance. Et c’est en proposant d’autres alternatives qu’il apprend.

Alors oui, il faut consoler l’enfant qui a reçu la morsure/le coup ou autre, c’est important pour lui que l’adulte reconnaisse ce qui lui est arrivé et qu’il se sente protégé. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, l’enfant qui a mordu/tapé l’autre a tout autant besoin de tendresse car il ne l’a pas fait pour faire mal !


Les étiquettes…


Lorsqu’un enfant a des comportements agressifs, il peut arriver que les adultes le définissent par ces comportements « Noah, c’est le petit mordeur du groupe ».

Attention à ça : Lorsque vous êtes hyper vigilant sur les comportements d’un enfant, ou sur une problématique vous risquez de les cristalliser. En effet, lorsque vous vous attendez à ce qu’un enfant soit agressif, sans vous en rendre compte vous allez adopter un comportement qui va renforcer cette possibilité et ainsi l’enfant va avoir le comportement que VOUS attendez : il va être agressif. On appelle ça une prophétie auto-réalisatrice.


Pour éviter de cristalliser une problématique comme celle-ci, il faut être vigilent de ne pas porter toute son attention sur ces comportements. En effet, l'adulte qui est inquiet que l'enfant en morde ou en tape un autre, peut entrer dans une forme d'engrenage. Et pour aider l'enfant à fonctionner autrement, il faut pouvoir sortir de cet engrenage. Pour cela il est impératif d'orienter son regard sur ce que l'enfant fait de bien. Ca permettra à l'équipe de pouvoir parler des bons moments que passe l'enfant à la crèche et d'éviter de le stigmatiser au travers de certains comportements.


Plusieurs bénéfices se dégagent de cette pratique : l'équipe peut percevoir des choses plus positives, ce qui peut permettre que la situation soit moins difficile à vivre, les parents pourront entendre d'autres choses que "votre enfant à encore mordu" et l'enfant entendra aussi un discours plus positif sur lui-même, ce qui lui permettra de ne pas trop ébranler l'estime de soi qu'il construit.


Quelques questions à se poser …


Dans une situation ou un enfant est agressif avec un autre, qu’est-ce que ca me fait ressentir ?

Qu’est-ce que je ressens vis-à-vis de l’enfant mordu ?

Qu’est-ce que je ressens vis-à-vis de l’enfant qui a mordu ?

Quels comportements agressifs sont les plus difficiles a supporter pour moi ? Pourquoi ?

Lorsque je réagis, est-ce que je le fais sous le coup de l’émotion ou avec ma raison ? En outre, est-ce que j’arrive à prendre de la distance vis-à-vis de ce que je ressens ?

Comment j’aimerai réagir à l’avenir ?



Bonne réflexion…


Johana Delesalle, Psychologue petite enfance.

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