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Les caprices, une invention de la part des adultes ?

Dernière mise à jour : 23 mars 2022


Aujourd'hui je vais parler d'un sujet qui fâche : les caprices. Vous vous demanderez pourquoi c'est un sujet qui fâche… Et bien parce que j'ai une position assez claire sur ce sujet : pour moi les caprices, ca n'existe pas !

"Hein ca n'existe pas ? Pourtant mon enfant pleure et se met dans tout ses états quand je lui refuse quelque chose. Il pleure pour avoir ce qu'il veut, c'est un caprice !"

Le caprice est une notion qui ne date pas d'hier… En effet, les adultes utilisent ce terme depuis bien longtemps, il est donc très ancré dans notre société. Qui n'a pas déjà entendu en étant enfant "Arrête ton cinéma", "Tu fais un caprice" ?

Mais que veut vraiment dire "faire un caprice", qu'est ce qui ce cache vraiment derrière ce mot ?


Discutons ensemble de ce qui ce passe pour les tout petits lorsqu'ils font un "caprice".

Je précise que cet article (comme tous ceux que j'écris) ne s'adresse pas qu'aux parents. La famille élargie, les professionnel(le)s et tous ceux qui côtoient des jeunes enfants sont aussi concernés.


Le caprice, une invention de la part des adultes ?


Partons d'un exemple :

Votre enfant veut un bonbon. Problème, il est 19h30, il a prit son repas et il va être l'heure d'aller dormir. Par conséquent vous lui répondez le fameux mot : non. Et là c'est parti pour les pleures, les roulades au sol, les cris. Dans la majorité des cas, je suppose que vous allez vous dire : mon enfant pleure car il veut que je lui donne un bonbon, c'est un caprice.

Et bien j'aurais tendance à vous dire, pas vraiment… Je m'explique, plusieurs choses doivent être comprises ici. Pour comprendre ma position sur ce sujet, je vais vous partager ce que disent les neurosciences.

Premièrement, l'enfant ne pleure pas pour AVOIR le bonbon, il pleure car il NE PEUT PAS l'avoir, ce qui est relativement différent. Pourquoi ? Car lorsque vous vous dites que l'enfant pleure pour que vous lui donniez le bonbon, vous y mettez une notion d'intentionnalité et de manipulation. Or ce qui met l'enfant dans cet état, c'est quelque chose que nous autres les adultes connaissons bien : la frustration. Effectivement, votre enfant avait vraiment très envie de ce bonbon et il ne peut pas l'avoir, cela génère de la frustration. Comme je l'ai dit, en tant qu'adulte nous connaissons bien ce sentiment puisque nous y sommes nous mêmes confrontés.

Par exemple :

Nous avons tous (ou presque) connus ce moment où on avait très envie de s'acheter un article non soldé mais notre budget ne nous le permettait pas. N'avez vous pas ressenti de la frustration à ce moment la ?

Cependant il existe une grande différence entre l'adulte et l'enfant : l'un a un développement cérébral qui lui permet de mieux gérer ce sentiment (je vous laisse deviner de qui il s'agit). Donc lorsque l'on parle de caprice, on parle en fait de frustration.


Pourquoi ce n'est pas de la manipulation ?


Simplement parce que d'un point de vue neurologique, l'enfant n'en a pas les capacités. En effet, les pleures ne peuvent pas être déclenchés volontairement chez les jeunes enfants puisqu'ils sont initiés par des parties autonomes du cerveau qu'il n'est pas en mesure de contrôler (Catherine Gueguen, 2014). En comprenant le développement cérébral de l'enfant, on conçoit plus aisément que le caprice n'existe pas.


Frustration et émotions : pourquoi l'enfant a-t-il une réaction qui paraît démesurée ?


Le sentiment de frustration génère en faite chez l'enfant diverses émotions (colère, tristesse, etc.). Emotions qu'il n'est pas en capacité de réguler. En effet, le cortex pré-frontal (partie du cerveau qui permet la régulation des émotions) est très immature à la naissance. Une poussée de croissance neuronale de cette zone débute qu'à partir de l'âge de 5-7 ans. C'est donc seulement à partir de cet âge que l'enfant commencera à comprendre et surmonter davantage ses émotions par lui-même. Mais cela ne sera que le début d'un long chemin puisque cette zone du cerveau fini sa maturation au début de l'âge adulte (Catherine Gueguen, 2014).


Finalement, quand l'enfant se met à pleurer, crier et à se débattre, ce n'est que l'expression d'une tempête émotionnelle trop difficile à gérer pour lui. Ainsi, lorsque votre enfant à ce type de réaction il a surtout besoin de vous !


Faut-il lui éviter la frustration ?


Question compliquée puisqu'il y a un risque de tomber dans des extrêmes. La frustration existe déjà depuis la naissance ! L’impossibilité d'exprimer clairement ses sensations par exemple. Je ne recommande pas de protéger son enfant de toutes les frustrations, cela vous demandra bien trop d'énérgie et de toute façon il finira par y être confronté à un moment donné. On peut cependant éviter des frustrations inutiles. Par exemple : vous laissez la possibilité à votre enfant de s'habiller comme il le souhaite. Super, il est content. Il revient vous voir en robe/pantacourt avec des sandales ouvertes. Problème, dehors il pleut et il fait 10 degrés. Vous vous voyez donc obligé (pour lui éviter d'attraper froid) de le renvoyer se changer. Et hop, aussitôt il se met à pleurer, crier : il est frustré. C'est ce que j'appelle de la frustration inutile. Si vous souhaitez lui laisser le choix d'une tenue, vous pouvez au préalable lui sortir plusieurs tenues adaptées et lui laisser le choix entre ces tenues.


L'idée n'est pas non plus d'éviter toutes sortes de frustration à son enfant, sinon il n'aura pas l'opportunité d'apprendre à les gérer, ce qui risque d'être difficile lorsqu'il y sera confronté (en collectivité entre autre).


De la frustration au retour au calme : comment faire ?


Je le dis souvent mais je n'ai pas de recette magique à vous donner, simplement des pistes de réflexion à vous proposer.

En référence à ce que j'ai expliqué plus haut, l'objectif n'est pas d'éviter toutes sortes de frustration mais d'accompagner son enfant lorsqu'il ressent ce sentiment et les émotions qu'il provoque. En effet, si on reprend ce que disent les neurosciences : le cortex pré frontal est immature, il ne peut pas réguler seul ses émotions (générée par l'activation de l'amygdale), donc l'idée est de l'accompagner dans ce processus de régulation.


Il est important de souligner que lorsque l'enfant ressent une émotion, il ne comprend pas et n'est souvent pas capable de nommer ce qui se passe pour lui. Pourtant, en nommant ce que l'on ressent, cela contribue à calmer l'activation de l'amygdale (Hariri, 2000). Ainsi en tant qu'adulte il peut être intéressant de proposer des hypothèses à l'enfant sur ce qu'il est susceptible de ressentir.

Lors de ma formation, un de mes tuteurs de stage proposait la phrase suivante "Ce que je vois, ce que je crois, ce que je te propose". Exemple : "Je vois que tu pleures et que tu cries, peut être que tu es en colère ? -Laisser l'enfant confirmer ou infirmer- Je te propose qu'on fasse un câlin/qu'on aille jouer, si tu veux ?" Au fur et a mesure du temps, l'enfant associera ce qu'il ressent à des émotions qui ont étés mises en mot. Ainsi, en grandissant vous pouvez espérer qu'il apprenne lui même à formuler ses ressentis et émotions par des mots, ce qui lui permettra d'apprendre à les réguler. Ainsi, il pourra acquérir une intelligence émotionnelle qui l'aidera également dans ses relations aux autres (Catherine Gueguen, 2014). De plus, accompagner l'enfant dans la régulation de ses émotions participe à sa maturation cérébrale.


Mais je reconnais que ce n'est pas toujours facile puisque en tant qu'adulte nous avons nous même nos émotions et parfois (même souvent), au même moment. C'est pour ça qu'il peut être intéressant de réfléchir sur le sujet à tête reposé. Souvenez-vous d'une chose (qui vous permettra, je l'espère, de prendre du recul dans ce type de situation), l'enfant n'est pas toujours en colère contre vous, mais il projette sa colère en vous. Car vous êtes un adulte en lequel il a confiance.


Et vous, quelles représentations avez-vous d'un enfant qui se met à pleurer/crier/tambouriner ? Pourquoi ce peut être difficile pour vous de l'accompagner lors de ces moments ? Comment vos parents réagissez avec vous dans ce type de situation ?


Comme je l'ai dit au début de l'article, cette histoire de caprice est très ancrée dans la société car il est souvent question de représentations et de transmission. Si ces questionnements sont difficiles pour vous, et si gérer ce type de situation reste trop compliqué, vous pouvez rencontrer un psychologue afin d'être accompagné.


Bonne réflexion…


Johana Delesalle, Psychologue petite enfance.

Pour aller plus loin…


Livres et articles :

  • Cote, C., & Le Blanc, A. (2016). Pratique intégrant la notion de trauma : Trousse de soutien auprès des enfants 0-11 ans. CIUSSS Centre-Sud-de-l’Ile-de-Montreal : Centre d’expertise sur la maltraitance.

  • Gueguen, C. (2015). Vivre heureux avec son enfant : Un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives. Robert Laffont.

  • Gueguen, C., & D’Ansembourg, T. (2015). Pour une enfance heureuse : Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau. Pocket.

  • Guéguen, C. (2017). Le cerveau de l’enfant. L'école des parents, 622, 40-43.

  • Junier, H. (2019). Le manuel de survie des parents : Des clés pour affronter toutes les situations de 0 à 6 ans. InterÉditions.

  • Junier, H. (2021). Guide très pratique pour les pros de la petite enfance : 47 fiches pour affronter toutes les situations (2e éd). Dunod.

  • Junier, H., & Besse, C. (2021). Ma vie de bébé : De 0 à 3 ans, les mystères de son petit cerveau en développement. Dunod.

  • Petit-Mielet, A. (2018). Pleurs des bébés en question(s): Au cÅ“ur du protocole : des décisions précoces concernant la gestion émotionnelle et la gestion du stress. Actualités en analyse transactionnelle, 164, 3-21.

  • Solter, A. J. (2015). Bien comprendre les besoins de votre enfant (Nouvelle éd). Jouvence éditions.

  • Solter, A. J., & Mouton di Giovanni, S. (2015). Pleurs et colères des enfants et des bébés : Comprendre et répondre aux émotions de son enfant (Nouvelle éd). Jouvence éditions.

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